Le Caucase

Mikheil Saakachvili, un réformiste géorgien en Ukraine

Portrait. Réformateur en son pays, la Géorgie, l’ancien président de la République Mikheil Saakachvili est depuis le 13 février 2015 un personnage clé de l’équipe gouvernementale de Petro Porochenko. En ligne de mire : la modernisation.

Dans l’entourage du président ukrainien Petro Porochenko, il n’est pas rare d’entendre la langue géorgienne se délier. Ils sont, depuis quelques mois, plusieurs ex-membres de gouvernement de Géorgie à être passés sous pavillon jaune et bleu, avec à l’arrivée un statut de conseillers – certaines préfèrent le terme d’éminences grises – du président Porochenko. Une manière comme une autre de joindre les diverses forces dans la bataille qui unit les deux Etats contre l’ogre russe. Parmi la petite diaspora sud-caucasienne qui prend forme à Kiev, une figure, dont la présence fait éminemment polémique en son pays, se distingue, si ce n’est interpelle. Mikheil Saakachvili, l’ex-président de la République géorgienne, est, depuis le 13 février officiellement, à la tête des conseillers internationaux du président ukrainien.

Seulement, celui qui fut désigné pour piloter les futures réformes du pays – ou, en tout cas, accompagner Petro Porochenko dans sa volonté rénovatrice –, est actuellement poursuivi par le parquet général de Géorgie sous quatre chefs d’accusation. On n’hésite pas, dans son entourage, à parler de véritable « chasse aux sorcières » menée par l’actuel gouvernement géorgien, qui reprocherait à Mikheil Saakachvili son orientation pro-américaine lorsqu’il était au pouvoir. C’est d’ailleurs aux Etats-Unis qu’il avait fini par fuir, fin 2013, fortement encouragé par les autorités de Washington, alors qu’il était sous la menace d’une poursuite judiciaire. Le nouveau conseiller ès-réformes de Kiev vit ainsi depuis deux ans en exil, mais continue, plus que jamais, de s’intéresser à la politique, et parcourt les anciennes Républiques socialistes soviétiques pour vendre le principe démocratique. Il avait à ce titre soutenu, en 2013, les manifestations pro-européennes en Ukraine, déjà.

C’est, cependant, moins pour ses professions et soutiens pro-démocratie que pour les véritables réformes libérales qu’il a conduit en Géorgie que Petro Porochenko l’a nommé à son poste. Malgré sa disgrâce, Mikheil Saakachvili peut se targuer d’une image visionnaire et modernisatrice pour son pays, où il a fortement contribué à mettre en place une politique coupée de la bureaucratie à outrance et de la corruption gangrenante. Une politique dont les germes étaient déjà au cœur de la révolution des Roses en 2003. Celui qui n’était alors qu’un candidat aux élections parlementaires, enjoignait à l’époque au président Edouard Chevardnadze, principale figure d’un passé soviétique en Géorgie, de quitter le palais présidentiel. S’en suivront, pour Saakachvili, un peu moins de dix années à la tête de l’Etat sud-caucasien, avant qu’il ne soit à son tour contraint de fuir les couloirs du pouvoir. L’ironie du sort est double : en souhaitant faire disparaitre la corruption et l’affairisme de son pays, l’ancien président aura servi à l’érection d’une autre sorte de coterie.

Après son premier mandat à la tête du pays (2004-2007), on reproche de plus en plus à Mikheil Saakachvili d’avoir installé un véritable clan pro-américain au gouvernement. Sa politique internationale en demeure l’exemple le plus notable, notamment au cours de la guerre en Irak menée par les Etats-Unis. Le président géorgien décide alors de doubler les troupes d’intervention et devient de facto l’un des plus gros contributeurs à la coalition internationale. Sa politique est également tournée contre les intérêts de la Russie, comme en témoigne l’intervention en Ossétie du Sud en 2008. S’il souhaitait au départ conserver sa mainmise sur une région où le séparatisme pro-russe demeurait majoritaire, Mikheil Saakachvili sera, à la suite de la guerre avec la Russie, pointé du doigt par ses opposants et de plus en plus isolé.

Jusqu’en 2013 où, après avoir essuyé une tentative d’assassinat en 2007 et été conspué par une partie de la classe politique géorgienne, il coupera – définitivement ? – les ponts avec son pays. Désormais, son avenir semble ancré sur une autre terre en proie au démantèlement.