Le conflit dans l’est de l’Ukraine attire de nombreux étrangers, et notamment des Tchétchènes. Mais tandis qu’on les pensait uniquement du côté des séparatistes prorusses, il semblerait que les troupes ukrainiennes soient également pourvues de garnisons venues de la république caucasienne.
Des soldats tchétchènes sont bel et bien en Ukraine. Et ce en dépit de ce que raconte – et voudrait faire croire – Dmitri Peskov, le porte-parole du président russe, Vladimir Poutine. « Aucun soldat de Tchétchénie n’est en Ukraine », avait-il ainsi affirmé en août dernier, avant, néanmoins, de tempérer : « s’il y a des hommes, cela pourrait être des volontaires mais aucune force officielle ». Pourquoi, en effet, adopter une position médiatique différente et dévier de la ligne adoptée par le Kremlin quant à l’implication de soldats russes dans le Donbass. Sauf que les témoignages, les départs et les retours, de cadavres parfois, parlent d’eux-mêmes.
La Tchétchénie, « homme de main » du Kremlin ?
Certains soldats tchétchènes auraient même été dépêchés en Crimée, début 2014, peu avant l’annexion de la péninsule par Moscou. Puis d’autres, au cours de l’année jusqu’à aujourd’hui, dans l’est de l’Ukraine, où se concentrent les affrontements entre forces séparatistes et loyalistes. Bien que les autorités russes persistent dans la négation de leur implication dans le conflit, les habitants de Grozny, la capitale tchétchène, n’hésitent pas à les contredire. La Tchétchénie servirait ainsi d’ « homme de main » à Vladimir Poutine, qui a d’ailleurs installé l’actuel président, Ramzan Kadyrov, à la tête de l’Etat en 2007. C’est en vertu d’un contrat tacite établi entre les deux hommes – dotations importantes de Moscou contre menus services rendus – que des Tchétchènes seraient ainsi envoyés sur le front ukrainien.
Seulement, tous ne comprennent pas pourquoi les leurs doivent se battre – et mourir – loin de chez eux, dans une guerre qui n’est pas la leur et qui les ramène quelques années en arrière, lorsque le pays était à feu et à sang. Devenu une République de la Fédération de Russie, celui-ci sortait de deux guerres et connaissait des contre-insurrections meurtrières. En dépit de ces critiques à bouche entrouverte, Grozny, notamment, apparaît plutôt favorable à la politique du Kremlin ; une majorité de Tchétchènes perçoit ainsi l’intervention russe en Ukraine comme le désir de défendre les frontières de l’ex-URSS face à l’expansionnisme des Etats-Unis, par le biais de l’OTAN notamment.
Un bataillon tchétchène souhaite rejoindre l’armée ukrainienne
Une frange de la population, toutefois, ne voit pas les choses de cette manière. Certains apparaissent même éminemment critiques envers l’interventionnisme de Moscou. Et, sans s’en cacher, s’élèvent vertement contre Vladimir Poutine. « Dès l’occupation de la Crimée, on a compris parce qu’on le connait. Poutine ne s’arrête jamais », témoigne ainsi Amina Okueva, une chirurgienne tchétchène qui a rejoint les rangs d’un bataillon de nationaux engagés avec l’Ukraine. Celle-ci d’ajouter : « dès le début de Maïdan (nom de la place à Kiev où se sont réunis les premiers manifestants anti-Russie) j’ai eu la conviction que Poutine attaquerait, qu’il ne pourrait laisser passer un tel affront ». Aujourd’hui, elle réclame l’incorporation de son bataillon au sein de l’armée ukrainienne.
Cette requête démontre à quel point certains Tchétchènes sont opposés à Moscou. Selon les soutiens du Kremlin, toutefois, ils apparaissent comme des traitres ; « ce ne sont pas des Tchétchènes », estime un soldat engagé dans un bataillon dont le but est précisément de les traquer. On redoute ainsi, dans le Caucase du nord, que le conflit ukrainien attise une haine au sein même de la population tchétchène. Et le souvenir des guerres de la fin du siècle précédent plane toujours au-dessus de la jeune République de Russie.