Le Caucase

Géorgie : le retour des régions séparatistes n’aura pas lieu

Les relations entre la Russie et son voisin géorgien se dégradent de jour en jour. Dernier événement en date : la signature d’un accord entre Moscou et Tskhinvali, la capitale sud-ossète, qui fait bondir du côté de Tbilissi. La situation, à l’arrêt, semble irréversible, malgré les discussions engagées par la troïka UE, OSCE et ONU.

Début mars, les médias internationaux s’inquiétait de son sort. Les rumeurs les plus folles – et parfois saugrenues – s’amoncelaient dans les papiers alarmistes : Poutine a disparu. Tandis que la piste de l’accouchement en Suisse d’une maitresse semble avoir les faveurs de la toile, il convient de reconnaître que le chef du Kremlin a soigné son retour : le 18 mars, il scellait avec le dirigeant sud-ossète, Leonid Tibilov, une entente établie de facto depuis 2008. L’accord, paraphé par les deux parties à Moscou, prévoit, en échange d’une allocation de 15 millions d’euros par Moscou, d’entériner la présence d’importantes forces armées russes sur le sol d’Ossétie du Sud. Les voix qui s’élèvent ne dénoncent pas tant la somme que la braderie elle-même : Vladimir Poutine s’est fait une spécialité, depuis quelques années, de la reconquête des anciennes républiques soviétiques. La Géorgie est l’un des terrains de jeu favoris du président russe.

Une situation qui se dégrade

Hasard du calendrier ou date dûment choisie, la signature de l’entente russo-ossète intervient un an jour pour jour après l’annexion de la Crimée par la Russie. S’il n’est – pour l’instant – pas question d’un tel acte en Géorgie, les réactions n’ont pas tardé : la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, tout en dénonçant cet accord, a estimé qu’il jetait les bases d’une déstabilisation à venir dans la région du Caucase. En novembre 2014, c’est une autre région séparatiste géorgienne, l’Abkhazie, qui a ouvertement montré son attachement à Moscou. Lors d’un déplacement à Soukhoumi, sa capitale, le 16 février dernier, Vladislav Surkov, l’homme de l’ombre de Poutine, avait ravivé les tensions en évoquant la possible disparition des frontières russo-abkhazes – comprise dans l’accord signé par les deux parties le 24 novembre 2014.

Les autorités géorgiennes, le président de la République, Guiorgui Margvelachvili, en tête, avaient accusé Moscou d’attenter à la sécurité de la région, et même de l’Europe. Loin de s’être arrangée, la situation s’est doublement amplifiée : l’Ossétie du Sud a désormais un pas en Russie ; les relations entre la Géorgie et son voisin se dégradent de plus en plus. Tandis qu’étaient réunis, le 18 mars à Genève, des représentants de ces deux Etats pour discuter de la sécurité et de l’humanitaire dans la zone frontalière, les institutions chargées d’animer – et encadrer – cette rencontre, l’UE, l’OSCE et l’ONU, ont noté des tensions et des « vues divergentes ». En cause, principalement, l’accord qui venait d’être signé entre Vladimir Poutine et Leonid Tibilov.

Une marche arrière impossible

La Géorgie n’est pas le seul pays sud-caucasien à être empêtré dans une lutte territoriale. L’Azerbaïdjan, le plus grand Etat de la région, est en prise avec le troisième membre de Transcaucasie, l’Arménie, au sujet des terres du Haut-Karabagh. Celles-ci, bien que lui appartenant, sont occupées majoritairement par la population arménienne ; le territoire haut-karabaghtsi, appuyé par Erevan, a d’ailleurs déclaré son indépendance en 1991, ce que les autorités azéries et une large partie de la sphère internationale refusent d’admettre. Le problème ethnique est donc tout aussi présent le long de la frontière arméno-azérie qu’aux confins de la Russie et de la Géorgie.

Pire, il semble que, dans le cas de l’Ossétie du Sud, les habitants de cette région séparatiste nourrissent une haine farouche à l’endroit des Géorgiens. En 2012, quatre ans après la guerre qui a vu l’intervention de Moscou pour secourir le territoire contre les forces armées envoyées par Tbilissi, le président Tibilov avait annoncé vouloir raser les villages peuplés de Géorgiens et abandonnés par eux. C’est dire la situation fébrile – pour ne pas dire l’impasse – dans laquelle se trouvent les coprésidents de Genève : si l’UE, l’OSCE et l’ONU multiplient les pourparlers bilatéraux, notamment avec la Russie et l’Ossétie du Sud, un retour pur et simple des régions séparatistes dans le giron géorgien semble plus qu’improbable. Il n’est plus question, du côté de la troïka, de faire au mieux, mais bel et bien de faire « au moins pire ».