Détenir une collection de succulentes est une passion pour de nombreux jardiniers, mais l’achat de nouveaux spécimens peut rapidement devenir onéreux. Pourtant, une technique ancestrale, perfectionnée par les pépiniéristes, permet de multiplier ces plantes fascinantes à l’infini, et ce, sans débourser un centime. À l’approche de la saison froide, maîtriser cet art devient un atout majeur pour enrichir ses parterres et potées au printemps suivant. Cette méthode, accessible à tous, repose sur une compréhension fine de la biologie de ces végétaux et sur une série de gestes précis que nous allons détailler.
Comprendre le cycle de vie des succulentes
La dormance : une phase de repos essentielle
Les plantes succulentes, aussi appelées plantes grasses, ne poussent pas de manière continue tout au long de l’année. Elles alternent entre des périodes de croissance active et des périodes de dormance. Pour la majorité d’entre elles, la croissance est maximale au printemps et en été, lorsque la lumière et la chaleur sont abondantes. L’hiver correspond souvent à une phase de repos végétatif. Durant cette période, leur métabolisme ralentit considérablement, elles cessent de produire de nouvelles feuilles et leurs besoins en eau diminuent drastiquement. Comprendre cette saisonnalité est crucial, car les prélèvements effectués sur une plante en pleine croissance ont de bien meilleures chances de réussir.
Le mécanisme de survie et de reproduction
La capacité des succulentes à se régénérer à partir d’un simple fragment est un mécanisme de survie extraordinaire. Dans leur milieu naturel, une feuille ou une tige brisée par le vent ou un animal peut s’enraciner là où elle tombe, donnant naissance à un nouvel individu. Cette reproduction végétative est rendue possible par la présence de cellules méristématiques, capables de se différencier pour créer de nouvelles racines, tiges et feuilles. C’est cette propriété que nous exploitons lors du bouturage.
Le fait que ces plantes stockent de l’eau et des nutriments dans leurs feuilles charnues leur donne l’énergie nécessaire pour survivre plusieurs semaines, le temps de développer un nouveau système racinaire autonome. C’est un avantage considérable par rapport à d’autres végétaux.
Une fois ce cycle biologique assimilé, la première étape pratique consiste à sélectionner et à prélever la matière première de nos futures plantes : les feuilles.
Comment prélever correctement les feuilles
Choisir la bonne plante et les bonnes feuilles
La réussite du bouturage commence par une sélection rigoureuse. Il est impératif de choisir une plante mère saine, mature et bien hydratée. Une plante stressée, malade ou déshydratée fournira des boutures de piètre qualité avec un faible taux de succès. Privilégiez les feuilles de la partie inférieure ou intermédiaire de la tige. Elles sont généralement plus matures et plus riches en réserves. Évitez les très jeunes feuilles au sommet de la plante, ainsi que les plus anciennes qui commencent à se flétrir à la base.
La technique du prélèvement : un geste délicat
Le prélèvement est l’étape la plus délicate. La feuille doit être détachée entièrement de la tige. Pour ce faire, saisissez délicatement la feuille entre le pouce et l’index, puis exercez une légère torsion de gauche à droite. Elle devrait se détacher proprement à sa base. Il est fondamental qu’aucun morceau de la feuille ne reste sur la tige, et inversement. La base de la feuille, qui était connectée à la tige, contient les cellules indispensables à la formation des nouvelles racines. Une feuille déchirée ou coupée ne produira jamais de nouvelle plante.
La cicatrisation : une étape obligatoire
Une fois les feuilles prélevées, il ne faut surtout pas les mettre en terre immédiatement. La petite blessure à la base de la feuille doit sécher et former un cal de cicatrisation. Cette étape, appelée le séchage, est essentielle pour éviter que la bouture ne pourrisse au contact de l’humidité du substrat. Disposez les feuilles à plat dans un endroit sec, lumineux mais sans soleil direct, et à température ambiante. Selon l’humidité de l’air, cette phase peut durer de deux à sept jours. Le cal est prêt lorsque la base de la feuille est parfaitement sèche au toucher.
Avec des feuilles saines et parfaitement cicatrisées, nous pouvons désormais passer aux différentes méthodes qui garantiront leur transformation en nouvelles plantes robustes.
Techniques de bouturage pour des résultats optimaux
Le bouturage de feuille à plat
C’est la méthode la plus courante et la plus simple, particulièrement efficace pour des genres comme Echeveria, Sedum ou Graptopetalum. Une fois les feuilles bien cicatrisées, il suffit de les poser délicatement sur un substrat adapté. La base de la feuille, d’où sortiront les racines, doit être en contact léger avec le terreau, sans pour autant y être enterrée. En quelques semaines, de minuscules racines roses ou blanches apparaîtront, suivies peu après par une ou plusieurs rosettes miniatures. La feuille mère nourrira la nouvelle plantule jusqu’à se dessécher complètement.
Le bouturage de tige
Cette technique est idéale pour les succulentes à port arbustif ou retombant, comme les Crassula, les Aeonium ou les Senecio.
- Prélevez une extrémité de tige d’environ 5 à 10 centimètres.
- Retirez les feuilles sur la partie inférieure de la tige (environ 2 à 3 cm).
- Laissez la tige cicatriser à l’air libre pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que la coupe soit sèche.
- Plantez la base de la tige dans le substrat. Les racines se formeront à partir des nœuds où les feuilles ont été retirées.
La division des rejets
Certaines succulentes, comme les Aloe, Haworthia, Gasteria ou les Sempervivum (joubarbes), produisent naturellement des rejets, aussi appelés « bébés » ou « pups », à leur base. La multiplication est alors un jeu d’enfant. Il suffit d’attendre que le rejet atteigne une taille raisonnable (environ un tiers de la plante mère) et de le séparer délicatement à l’aide d’un couteau propre, en veillant à conserver quelques racines si possible. Il peut ensuite être rempoté directement dans son propre pot.
La maîtrise de ces techniques ne suffit pas si les conditions environnementales ne sont pas réunies pour favoriser l’enracinement et la croissance.
Créer les conditions idéales pour le développement
Un substrat drainant avant tout
Le principal ennemi des succulentes est l’excès d’humidité, qui provoque la pourriture. Le substrat de multiplication doit donc être extrêmement drainant. Un terreau du commerce « spécial cactées » convient, mais le mélange maison est souvent supérieur. Une bonne recette consiste à mélanger du terreau de qualité avec un matériau drainant.
| Composant | Proportion | Rôle |
|---|---|---|
| Terreau universel | 50% | Apport nutritif |
| Sable de rivière grossier | 25% | Drainage |
| Perlite ou pierre ponce | 25% | Aération et légèreté |
Lumière et température : un équilibre à trouver
Les boutures ont besoin de beaucoup de lumière pour se développer, mais d’une lumière indirecte. Le plein soleil risquerait de les brûler et de les dessécher avant qu’elles n’aient pu former de racines. Un rebord de fenêtre orienté à l’est ou à l’ouest est idéal. Concernant la température, une atmosphère comprise entre 18°C et 24°C favorise un enracinement rapide.
L’arrosage : la règle d’or de la parcimonie
C’est le point le plus contre-intuitif. Il ne faut jamais arroser des boutures qui n’ont pas encore de racines. Elles sont incapables d’absorber l’eau et ne feraient que pourrir. On commence un arrosage très léger, de préférence avec un vaporisateur, uniquement lorsque les premières racines sont visibles. Par la suite, on arrose modérément, en laissant le substrat sécher complètement entre deux apports d’eau.
Même en suivant scrupuleusement ces conseils, certains échecs peuvent survenir, souvent dus à des erreurs courantes qu’il est simple de corriger.
Les erreurs à éviter lors de la multiplication
L’impatience et la manipulation excessive
La multiplication des succulentes est un processus lent. Il faut parfois attendre plusieurs semaines, voire des mois, avant de voir apparaître les premiers signes de croissance. Il est tentant de soulever les feuilles pour vérifier la présence de racines, mais ce geste est néfaste. Chaque manipulation risque de casser les fragiles radicelles en formation. La patience est la première vertu du jardinier.
Un mauvais timing dans le prélèvement
Comme nous l’avons vu, prélever des boutures sur une plante en dormance ou affaiblie réduit considérablement les chances de succès. La période idéale reste la fin du printemps ou le début de l’été, lorsque la plante est gorgée d’énergie. Cependant, une multiplication en début d’automne est tout à fait possible, à condition de fournir ensuite aux boutures un environnement intérieur lumineux et stable.
Les erreurs d’arrosage les plus fréquentes
Il est bon de résumer les fautes à ne pas commettre concernant l’eau :
- Arroser avant l’apparition des racines.
- Laisser le substrat constamment humide.
- Utiliser un contenant sans trou de drainage.
- Vaporiser le feuillage des nouvelles rosettes, ce qui peut entraîner des maladies fongiques.
Une fois que nos jeunes plantes sont bien établies et que l’automne avance, une nouvelle préoccupation émerge : comment leur faire passer l’hiver sans encombre.
Préparer ses succulentes pour l’hiver
Identifier les besoins spécifiques de chaque espèce
Toutes les succulentes ne sont pas égales face au froid. Il est primordial de distinguer les espèces rustiques, qui supportent le gel (comme les Sempervivum et de nombreux Sedum), des espèces gélives, qui doivent impérativement être rentrées à l’abri (comme les Echeveria, Crassula, ou Kalanchoe). Les jeunes boutures, même d’espèces rustiques, sont plus fragiles et apprécieront de passer leur premier hiver à l’abri du gel intense.
L’hivernage en intérieur : les bonnes pratiques
Pour les plantes gélives, l’hivernage doit se faire dans une pièce fraîche et très lumineuse. Une véranda non chauffée ou une pièce peu utilisée avec une grande fenêtre est parfaite. La température idéale se situe entre 5°C et 10°C. Il faut réduire l’arrosage au strict minimum : un très léger apport d’eau une fois par mois est souvent suffisant. L’objectif est de maintenir la dormance, pas de stimuler la croissance.
Protéger les succulentes qui restent à l’extérieur
Pour les succulentes rustiques en pleine terre ou en potées, la principale menace en hiver n’est pas tant le froid sec que l’humidité combinée au gel. Assurez-vous que le sol est parfaitement drainé. Il peut être judicieux de les protéger des pluies hivernales excessives avec un petit toit ou en les plaçant sous un auvent. Un paillage minéral (graviers, pouzzolane) à leur pied peut aider à isoler les racines du froid et de l’humidité stagnante.
Multiplier ses succulentes est une démarche économique, écologique et profondément satisfaisante. Elle repose sur la compréhension du cycle de vie de la plante, la précision du geste lors du prélèvement, et la création de conditions optimales pour le développement des racines. En évitant les erreurs communes comme l’excès d’eau et en adaptant les soins à l’approche de l’hiver, il est possible de transformer une seule plante en une véritable collection. C’est un savoir-faire qui permet non seulement d’embellir son propre jardin, mais aussi de partager et d’échanger avec d’autres passionnés.
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