Non, ce n’est pas Pompéi : ce site romain d’Occitanie classé UNESCO est bien mieux conservé

Non, ce n’est pas Pompéi : ce site romain d’Occitanie classé UNESCO est bien mieux conservé

Au cœur de la Provence, niché au pied des Alpilles, un site archéologique défie les comparaisons hâtives avec les célèbres ruines italiennes. Loin de la tragédie volcanique de Pompéi, la cité de Glanum, à Saint-Rémy-de-Provence, offre un témoignage saisissant et remarquablement conservé de la vie gallo-romaine. Ses vestiges ne racontent pas une destruction soudaine, mais une histoire riche, façonnée par des influences multiples sur plusieurs siècles. Marcher dans ses rues antiques, c’est remonter le temps pour découvrir une ville dont la quiétude actuelle contraste avec son passé vibrant, un véritable joyau du patrimoine mondial qui mérite d’être connu pour sa singularité et son état de préservation exceptionnel.

Découverte du site exceptionnel de Glanum 

Un emplacement stratégique au cœur des Alpilles

La prospérité de Glanum ne doit rien au hasard. La cité fut érigée à un emplacement de premier choix, au débouché d’un passage naturel qui traverse le massif des Alpilles. Cette position lui conférait un contrôle direct sur une importante voie de communication reliant la vallée du Rhône au littoral méditerranéen. Depuis l’Antiquité, ce carrefour a favorisé les échanges commerciaux et culturels, assurant le développement et le rayonnement de la ville. C’est ce positionnement privilégié qui a d’abord attiré les populations gauloises, puis grecques et enfin romaines, chacune laissant son empreinte sur ce lieu unique.

Les premiers indices d’une cité oubliée

Si la ville antique a sombré dans l’oubli après son abandon au IIIe siècle de notre ère, ses monuments les plus imposants, surnommés localement « les Antiques », n’ont jamais totalement disparu du paysage. L’arc de triomphe et le mausolée, situés à l’entrée du site, furent signalés dès la Renaissance. L’érudit et prophète Nostradamus les mentionna même dans ses célèbres Centuries en 1555. Cependant, il fallut attendre le début du XXe siècle pour que des fouilles archéologiques d’envergure soient entreprises, révélant peu à peu l’ampleur de la cité qui sommeillait sous les alluvions, bien au-delà des deux monuments visibles.

La mise au jour progressive de ce site a permis de comprendre que Glanum était bien plus qu’un simple poste avancé. C’était une véritable ville, structurée et riche, dont l’état de conservation allait surprendre les archéologues et les historiens.

Glanum : une cité romaine bien préservée

Un état de conservation hors du commun

Contrairement à d’autres sites antiques souvent démantelés pour récupérer leurs pierres, Glanum a bénéficié d’une protection naturelle. Après son abandon, la ville fut lentement ensevelie par les sédiments descendus des Alpilles. Cette couche protectrice a permis de préserver les niveaux inférieurs des bâtiments de manière exceptionnelle. En se promenant sur le site, on peut ainsi distinguer clairement le tracé des rues, les fondations des maisons, les bases des colonnes du forum et même les canalisations d’un système d’égouts sophistiqué. Cet état de conservation offre une lecture particulièrement claire de l’organisation d’une ville gallo-romaine.

Les vestiges emblématiques de la vie quotidienne

Les fouilles ont révélé une organisation urbaine complète, témoignant d’une vie civique, religieuse et privée intense. Parmi les structures mises au jour, on peut admirer :

  • Le quartier résidentiel, avec ses maisons dotées de cours à péristyle, de mosaïques et de bassins, illustrant l’influence hellénistique puis romaine.
  • Le centre monumental, cœur de la vie publique, qui comprend un forum, une basilique pour la justice et le commerce, ainsi que plusieurs temples.
  • Les thermes romains, indispensables à la vie sociale, avec leurs différentes salles (froide, tiède, chaude) et leur système de chauffage par le sol (hypocauste).
  • La source sacrée, lieu de culte originel autour duquel la cité s’est développée.

L’étude de ces vestiges a montré que la romanisation ne s’est pas faite au détriment des cultures précédentes, mais qu’elle s’est superposée à un héritage déjà très riche, notamment gaulois et grec.

Les influences grecques et gauloises à Glanum

L’héritage gaulois : l’oppidum et le culte de l’eau

Avant l’arrivée des Romains, Glanum était un oppidum, une place forte gauloise habitée par la tribu des Salyens. Son nom même dérive de celui du dieu celte Glan et des Glaniques, trois divinités locales associées à la source qui jaillit sur le site. Cette source sacrée était au cœur d’un sanctuaire, un lieu de pèlerinage où l’on venait honorer les divinités pour leurs vertus guérisseuses. Les archéologues ont retrouvé de nombreux autels dédiés à ce culte, prouvant la profonde spiritualité qui animait le lieu bien avant la conquête romaine. Cette dimension sacrée a perduré et s’est intégrée aux pratiques religieuses ultérieures.

L’empreinte hellénistique, un air de Grèce en Provence

Dès le IIe siècle avant notre ère, en raison de sa proximité avec la grande cité grecque de Massalia (Marseille), Glanum subit une forte influence hellénistique. Cette période a laissé des traces remarquables dans l’architecture et l’urbanisme. Les fouilles ont mis au jour des maisons à péristyle, des puits à chapiteau d’inspiration corinthienne et des mosaïques de galets typiques du monde grec. Cette phase « gallo-grecque » confère à Glanum une identité unique, différente des autres villes romaines de la région, et témoigne de la complexité des échanges culturels en Méditerranée occidentale avant la domination de Rome.

Cette fusion des cultures a trouvé son apogée dans l’architecture romaine, qui a su intégrer les traditions locales tout en imposant ses propres codes monumentaux.

L’architecture monumentale de Glanum

Le mausolée des Julii, un chef-d’œuvre funéraire

Le monument le plus spectaculaire et le mieux conservé de Glanum est sans conteste le mausolée des Julii. Datant d’environ 30-20 avant notre ère, ce monument funéraire privé est un témoignage exceptionnel de l’art romain. Il fut érigé par trois frères d’une riche famille gauloise ayant obtenu la citoyenneté romaine pour les services militaires rendus à Jules César. Le mausolée est un hommage à leur père et à leur grand-père. Sa structure à trois niveaux est richement décorée de bas-reliefs représentant des scènes de chasse et de mythiques batailles. C’est l’un des mausolées romains les mieux préservés au monde.

L’arc de triomphe, porte de la cité

Juste à côté du mausolée se dresse un arc de triomphe, marquant symboliquement l’entrée nord de la ville. Bien que sa partie supérieure ait disparu, il reste un exemple magnifique de l’architecture officielle romaine. Ses voûtes sont ornées de caissons sculptés de fruits et de feuillages, tandis que ses piliers représentent des captifs gaulois enchaînés, rappelant sans équivoque la suprématie de Rome après la Guerre des Gaules. Ensemble, l’arc et le mausolée forment un ensemble monumental saisissant, connu depuis des siècles comme « Les Antiques de Saint-Rémy-de-Provence ».

Ces monuments, restés visibles à travers les âges, n’étaient que la partie émergée d’un iceberg archéologique dont la redécouverte au XXe siècle allait changer notre perception de l’histoire de la Provence.

Les fouilles et la redécouverte de Glanum au XXe siècle

Le début des grandes campagnes archéologiques

C’est en 1921 que les premières véritables fouilles scientifiques débutent à Glanum, sous la direction d’archéologues passionnés. Pendant près de cinquante ans, des campagnes successives vont dégager méthodiquement les différents quartiers de la ville ensevelie. Les découvertes sont spectaculaires : le forum, les temples, les thermes, les rues et les riches demeures sortent de terre, révélant une cité bien plus vaste et complexe qu’imaginé. Chaque nouvelle strate mise au jour raconte une page de l’histoire du site, de l’époque gauloise à la fin de l’Empire romain.

Un chantier de connaissance toujours actif

Aujourd’hui encore, Glanum n’a pas livré tous ses secrets. Le site reste un terrain d’étude privilégié pour les archéologues, les historiens et les étudiants. Les recherches se poursuivent pour affiner la datation des bâtiments, comprendre les techniques de construction et analyser les objets du quotidien retrouvés en abondance (céramiques, monnaies, outils). Ces travaux permettent de reconstituer avec une précision croissante la vie des habitants de Glanum et de mieux appréhender les dynamiques culturelles et économiques de la Provence antique.

Comparaison des grandes périodes d’occupation de Glanum

Période Caractéristiques principales Vestiges notables
Gauloise (VIe – IIe s. av. J.-C.) Oppidum fortifié, culte de la source Sanctuaire, remparts primitifs
Hellénistique (IIe – Ier s. av. J.-C.) Influence de Marseille, urbanisme grec Maisons à péristyle, mosaïques de galets
Romaine (Ier s. av. J.-C. – IIIe s. ap. J.-C.) Centre monumental, romanisation Forum, temples, thermes, mausolée, arc

Grâce à ce travail de longue haleine, Glanum est aujourd’hui bien plus qu’un champ de ruines ; c’est un trésor accessible à tous, offrant une plongée fascinante dans l’Antiquité.

Glanum : un trésor archéologique et culturel à visiter

Une expérience de visite immersive

Explorer Glanum aujourd’hui est une véritable immersion dans l’histoire. Le parcours de visite est jalonné de panneaux explicatifs qui permettent de visualiser ce que furent les temples, les boutiques et les maisons. Se promener sur le decumanus maximus, l’artère principale, et imaginer l’agitation du forum procure une émotion rare. L’environnement naturel exceptionnel des Alpilles en toile de fond ajoute à la magie du lieu, créant une atmosphère paisible et propice à la contemplation, loin de l’agitation des grands sites touristiques.

Un patrimoine vivant et valorisé

Loin d’être un musée à ciel ouvert figé dans le temps, Glanum est un site culturel vivant. Durant la saison estivale, il accueille régulièrement des événements tels que des concerts, des représentations théâtrales ou des ateliers pédagogiques pour les familles. Des visites guidées thématiques permettent d’approfondir la découverte de la vie quotidienne, de la religion ou de l’architecture. Cette programmation dynamique contribue à faire de Glanum un lieu de rencontre entre le passé et le présent, attirant un public varié, des passionnés d’archéologie aux simples curieux.

Une reconnaissance mondiale méritée

L’importance et l’exceptionnelle conservation de Glanum, et plus particulièrement de ses « Antiques », lui ont valu une reconnaissance internationale. Le mausolée et l’arc sont classés au titre des monuments historiques depuis 1840. Plus largement, ils s’inscrivent dans l’ensemble des « Monuments romains et romans d’Arles », site inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette distinction souligne la valeur universelle de ce patrimoine et son rôle clé dans la compréhension de la civilisation romaine en Gaule, au même titre que les arènes de Nîmes ou le théâtre antique d’Orange.

Glanum offre une perspective unique sur l’Antiquité, une histoire complexe et stratifiée qui se lit à même la pierre. C’est une invitation à un voyage dans le temps, au cœur des racines multiples de la Provence. Le site témoigne de la rencontre fascinante des cultures gauloise, grecque et romaine, le tout dans un état de conservation qui force l’admiration. Plus qu’une simple alternative à des sites plus célèbres, Glanum est une destination incontournable pour quiconque souhaite comprendre la richesse et la profondeur de l’héritage romain en France.

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Damien

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